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                                        La Tunisie Amie

 Faire les lézards sur une plage au soleil en Novembre : on en rêvaient, et depuis un bon moment ! Vous savez, des lézards tout verts, immobiles, comme frappés de catatonie ! Pas une patte, ni un œil, ni un cil qui dépasse ( je ne sais si les lézards ont des cils, mais je m’en fout…) Bref, c’est ça que, béats, on voulaient faire : s’abandonner aux bienfaits de l’astre du jour dans toute sa luminescence ! Mais ou ?

- l’Afrique ? Sale, dangereuse, faut se faire vacciner contre tout… on a pas le temps…..

- La Thaïlande ? 14 heures d’avion, trop loin pour un séjour d’une semaine, et, si on ne  voyage pas en première, crevant !

 - l’Egypte ? vu son état actuel finis  les délices de la Mer Rouge et des pyramides ! Du moins jusqu'à l’avènement du prochain dictateur…….

-  le Maroc ? Très beau, mais mer impraticable  en cette saison, trop agitée, trop froide…..

 

Pour nous, malheureux touristes, en ce triste monde qui, comme peau de chagrin, se rétrécit de jours en jours, reste tout de même a portée de désirs et de bourse :

 

             La Tunisie  évidemment !et l’île de Djerba, en particulier         

 

 25 degrés la journée, 17 le soir, internet  nous propose le Radisson Hôtel ( qui m’a fichu un nom pareil !)  5 étoiles au bord de la méditerranée : grande plage de sable privée, 2 piscines, dont une couverte ( au cas où ) chambres communicantes  avec vue sur mer, grande terrasse, tout le confort d’un immense centre de thalassothérapie (génial for papouilles) l’idéal quoi ! Et puis, comme nous l’a seriné aux oreilles pendant des mois et des mois une campagne de pub de quand j’étais petite :

 

 La Tunisie Amie !     

 

On se décide : Booking fait des prix imbattables ! Dégriffées totalement ! Il y a toute la place  qu’on veut et dans l’hôtel et, dans l’avion du lendemain, le seul, l’unique, celui de 5 heures du mat ( Brrrr….) Tout baigne….

                                          enfin pas encore !

 Vite on  boucle la valise : maillots de bains, paréos, lunettes de soleil, pulls pour le soir et, bien entendu, des tonnes et des tonnes de bouquins : c’est le moment ou jamais d’honorer le Divin Marcel (Proust, of course) dont c’est le cinquantième anniversaire de publication) d’une attentive relecture solaire ! Et me voila partie a rêvasser enveloppements d’algues marines, massages par de brunes créatures aux grand yeux de biches, hammam fleurant bon l’aloès et vertes piscines toutes bouillonnantes

 

 

 

 

 

 

 

 

               tout mon corps en frémit d’aise !

                              

 

 

3 heures du mat :

Réveil par mon époux ( il en a mit trois  au cas où…moi je dors avec des boules kies…) Hirsutes, on saute dans nos pantalons ; juste le temps de se laver les dents et nous voilà dans un taco direction Orly Sud.

 

5 heures du mat.

Si a 2 on a 4  yeux , ils sont pas en face des trous. Après trois tasses de café noir, on accommode….

 

6 heures 45

On embarque ; à cette époque de l’année il n’y a pas grand monde : des retraités et des locaux, beaucoup de locaux, encombrés d’énormes bagages mal ficelés qu’ils tentent, vainement, de fourrer dans les soutes du haut (pas le compas dans l’œil, décidemment, les locaux ) Une femme très âgée, voilée et l’air apeuré, refuse, véhémente, de se délester de son sac à main pour le décollage, comme l’exige le règlement. Il contient évidemment ses trésors, et la malheureuse s’y accroche comme aux bijoux de la couronne (encore que, d’après ce que j’ai entendu dire, ils sont bien hypothéqués les joyaux d’Elisabeth !) Se garde bien d’insister le steward qui en a vu d’autres ….

 

                       un habitué de la ligne….très certainemen

8 heures

J’ouvre un œil et mon Proust :

« Longtemps, je me suis couché de bonne heure » : totalement d’actualité ça ! Les vacances commencent ! On survole la méditerranée ; l’arrivée à l’aéroport de Djerba est prévue à 11 heures, et la limousine de l’hôtel nous y attend : 5 étoiles dégriffé booking OK  ,mais 5 étoiles tout de même ! Moi, j’adore les limousines ! Il aura sûrement pas d’uniforme galonné, le chauffeur, mais qui sait ! Dans ces Pays là . Et m’emporte ma folle imagination. Je ferme les yeux et béate, m’abandonne à la rêverie  : soleil, mer, papouilles avec, pour couronner le tout, un bon petit rosé des familles…

 

                                                Le Pied !

 

9 heures 30

« Nous vous informons qu’en raison d’une grève impromptue des pompiers, l’aéroport de Djerba est fermé pour une durée indéterminée. Par conséquent nous allons atterrir à Monastir dans quelques minutes. Le comandant et l’équipage vous prient de bien vouloir excuser le retard entrainé par cette circonstance indépendante de notre volonté »

 

                                                     

                                                      FLOP !!!!

                        et crève la bulle parfumée de mon rêve jasminé !

 

 

                                  La Tunisie …..Amie ! 

                                                              

                                             à vérifier ! 

            

    

             Et puis, c’est bien beau, l’amitié, mais, comme on dit….

                                           ça s’entretient !

 

 

Avec mon époux, on échange un regard éloquent :

-         et d’un :  à Monastir, justement, un Kamikaze islamiste a tenté de se faire bruler vif sur la plage au beau milieu des touriste y a pas si longtemps….  

-         et de deux : Monastir c’est un bled paumé, à 600 km de Djerba….

-         et de trois : quand un truc foire dans ce genre de Bled

 

                                     Bonjour les emmerdes !

 

                     C’est à ça que, tous les deux, on pense…. 

 

 

10 heures

Se pose l’avion à Monastir ; on nous conduit en salle de transit et on attend…on attend…..on attend …..longtemps ….très longtemps…Enfin débarquent nos bagages ; c’est toujours ça…..

 

                                     La Tunisie Amie !

 

 

                                    Amie !

                                  a vérifier….             

                              

12 heures

Après une vague annonce nous assurant que tout va être fait pour nous acheminer  on se regarde ! C’est qu’on y tient, nous, a lézarder à Djerba ! Et pas dans des plombes !  Sur que, dans le meilleur des cas, ils vont nous dégoter un bus dans deux, trois heures et, le temps que tout ce petit monde se mette en branle, on n’arrivera pas avant demain matin, au mieux ! Et dans quel état, j’vous dis pas ! Décidée, je sors de l’aéroport et, m’en vais, armée de mon plus beau sourire…..

 

                              La Tunisie Amie !

  négocier avec un taxi local le prix de la course jusqu'à Djerba :

 

                                     400 euros y fait

                                         150 je fais !

                                        250  y fait !

         

                                      tope là à 200 !

 

                                       C’est parti !

 

 

                                 La Tunisie Amie !

                                     vous dis-je !

 

On récupère valises et sacs à dos : il tombe des cordes, avec un vent a décorner les bœufs. Le taxi, c’est une immonde guimbarde jaune brinquebalante. Mais va bien falloir que ça le fasse : on n’a pas le choix ! Je vérifie la mine du chauffeur : pas trop barbu, le mec…

                                          c’est déjà ca   

 

  

                                  Et puis : La Tunisie Amie !

 

                       La Tunisie Amie .Amie…. 

N’empêche, c’est une trotte de 600 bornes et pas d’autoroutes of course ! Sans oublier que Djerba, c’est une île, et qui dit île, dit bateaux, et qui dit bateaux dit port. Bref, compliquée notre expédition  ! Mais, comme l’aventure ne fait  que commencer, on rentre pas dans ce genre de détails ,du moins  pas encore. Et nous voila partis : évidemment le chauffeur installe d’autorité mon époux devant, histoire de discuter « entre hommes » ! Et moi, obéissante femelle, de ratatiner mes jambes ( pas immenses, certes, mais…. tout de même ) contre la molesquine craquelée de la banquette arrière ou bringuebalent mains de fatmas et autres gris gris orientaux. Et dire que Bourguiba, il les a libéré les femmes de son Pays !!!!! 

                        Ben c’était il y a bien, bien   longtemps…..

                                         La Tunisie….Amie ….. 

 

 

Bon bref, pour avoir pas mal bourlingué au Maroc,  on sait que, dans cette partie du monde, faut jouer le jeux, alors :

 - Comment tu t’appelles ?

- Vincent 

- Moi, c’est Ali ; et la gazelle ? ( la gazelle…et allez donc ….)

- Martine.

- D’où vous venez ?

- De France, Paris.

- Ha ….Parissssss !Ben moi j’ai mon cousin qui a épousé la sœur d’un ami il y a trois ans et ils sont monté un troquet à Pantin !Vous connaissez !

                                                  ect… ect

                                          Et patati et patata ……..

 

De toute façon, c’est une trotte de 8 heures, au bas mot et sur des petites routes …. alors autant se la jouer :

 

                                      Tunisie……..Amie !

 

…..espérant tout de même qu’aucune escale chez un autre cousin marchand de tapis ou autres objets d’artisanat local ne soit au programme ! Mais on a de la chance, non…. On roule …on roule …on roule …..Les routes sont mauvaises, la pluie s’arrête, mais il fait très froid. Heureusement, j’ai sur le dos deux épaisseurs de pulls et porte des leggings (mon époux itou…. sauf les leggings…)

 

 

14 heures

Comme on une petite faim on demande  a Ali :

- et d’un : de nous trouver un endroit ou acheter de quoi boire et manger,

- et de deux : de bien vouloir m’accueillir devant, histoire de faire connaissance ( j’ais les jambes dans le menton depuis deux heures, alors) Ali parle peu, conduit vite mais bien. Je l’interroge sur sa famille, sur le Pays… pas loquace notre Ali, sauf un laconique :

 

                            C’était mieux sous  Ben Ali….

                                                             Tiens donc ! 

 

14 heures 30 : Pause déjeuner :

Le restaurant ne paye pas de mine, mais là, super surprise :

- et d’un : les toilettes sont nickel,

- et de deux : arrivent sur notre table en formica de succulentes soupes à la tomate et aux poix chiches suivies d’un poulet rôti à point, le tout assaisonné à l’harissa, juste ce qu’il faut, deux sortes de salades, un véritable régal…. arrosé au coca  …évidemment… mais un régal tout de même ! 

                            La Tunisie  Amie !

 

15 heures 30

On repart, réconfortés : c’est fou ce qu’un peu de nourriture peut changer la face du monde ! Je me dis qu’il faut toujours voir le bon coté des choses : on va visiter le Sud Tunisien à la mode routarde ! Ca nous rajeunira ! Je remarque alors que, pas une seule fois notre Ali n’a stoppé aux stations services qui jalonnent la route ! Il marche à quoi son taco ? Je l’interroge, il sourit et répond :

 

                                Je fais le « plein à la libyenne » !

 

C’est quoi ça ? Nous nous arrêtons donc pour « un plein à la libyenne » : dans des baraques s’alignent des bidons et des bidons contenant de l’essence et, sur le bord de la route, montée sur un haut trépied, une énorme outre en fort tissu plastifié à travers laquelle notre Ali tamise le contenu des bidons d’essence : c’est ca  le « plein à la libyenne » ! Et ça marche ! Economie et système D ! Mais, à 200 euros le voyage, on  peut pas espérer le Pérou…

                            Si on a déjà Djerba…  ce sera beau ! 

Passe le temps, on roule… on roule… on roule….. Pour avoir un peu trop forcé sur l’harissa ce midi, piteusement je me rebats sur l’Imodium : que voulez vous ! J’ai toujours tendance a en faire trop, question couleur locale, c’est dans mon caractère ! Mais là, c’était plus qu’imprudent parce que :

- et d’un : s’arrêter dans les fourrés, dans ce genre de Pays, c’est pas indiqué

- et de deux : y a pas de fourrés

- et de trois : les toilettes des troquets du bord de route sont infâmes,

- et de quatre : un femme portant des leggings collants en vinyle noir, ça le fait pas dans ces reculées campagnes tunisiennes, même si elle a largement dépassé la cinquantaine

 

Bref, pour toutes sortes de raisons , l’harissa, c’était pas l’idée du siècle…. mais :

 

                      

                                    La Tunisie…….Amie….

 

 

17 Heures

Le soleil se couche ; on roule…on roule… je somnole ; j’en peux plus : on est debout depuis trois heures du mat, tout de même ! Mon époux, lui, résiste mieux…

 

                                 Ha ! Tant qu’il y aura des hommes !

18 heures

On approche de l’embarcadère de Djerba et là, tout de go, nous annonce notre Ali qu’il ne va pas plus loin ! ça, c’était pas le deal ! Mais, à l’anxiété de sa voix et à la manière apeurée qu’il a de guigner vers les barrages de police, on comprend qu’il doit être en infraction question territorialité professionnelle, ou quelque chose du genre. Sans doute les taxis de Monastir n’ont-ils pas le droit de s’aventurer si loin de leur point d’origine ! Qui sait ! On sent qu’il est inutile d’insister. Evidemment, il nous demande 350 euro au lieux des 200 prévus pour le course parce que :

- et d’un, le restau de ce midi, il était étoilé au Michelin…

-  et de deux, l’essence, même « à la libyenne », elle vient s’augmenter de 10 pour cent, y pas une heure !

 

 On coupe la poire en deux, soit 250 euros et s’en retourne notre Ali dans ses foyers. Pour prendre le bac, va falloir qu’on s’en débrouille comme des grands ! Et nous voilà devant l’embarcadère tirant valoches et sacs à dos ( (lourds, lourds mes Proust) Quand il arrive, le bac ? Mystère et boulle de gomme  !Notre Ali est resté sibyllin sur le sujet :  tous les demie heure…les  trois quart d’heure……quand aux billets….

 

On attend…on attend… grelottants, épuisés, sous une pluie qui a repris du poil de la bête. On est pas les seuls: une longue file de voiture tout au long de la route, quelques locaux à pied, nous, et un  bac qui se refuse a pointer son nez. Un gros quatre quatre à notre hauteur se dégage de la file. Je toque a la portière, et avec mon plus beau sourire ; enfin beau, ce qu’il reste après 12  heures de voyage chaotique ; et  me renseigne une charmante jeune personne dont le voile court cache à peine l’ovale parfait d’un visage qu’illumine de profonds yeux bruns soulignés au khôl . Elle me dit que des bacs, il n’y en aura pas pendant deux jours ( la grève des pompiers djerbienne a, semble-il, fait tache d’huile … )

 

                                         Hé oui 

                                   La Tunisie… Amie !

 

Avisant notre mine de chiens battus, sans laisses ni colliers, s’ouvre toute grande le porte de la voiture ; et quand l’accueillante jeune personne nous demande de monter, on ne fait ni une ni deux ! Illico, on monte  ! Se présente la jeune fille (Sunna elle s’appelle) nous faisons de même, et nous accueille la famille à bord de son quatre quatre, soit un couple de 45 ans environ, l’air cossu. A l’arrière, brinqueballent des vêtements en grand nombre dans leurs housses en plastique. Avisant mon regard, « Sunna l’avenante »  me dit :

 

- Nous allions au mariage de ma cousine, à Kerkennah ( une petite île, juste à côté de Djerba), mais avec les grèves de bateaux, va falloir trouver un plan B ! Alors, Papa nous ramène a la maison, à Sfax, voir comment ça peut s’arranger… avec Papa tout s’arrange toujours ! Allez, on vous dépose là bas, d’accord !

 

                                      Un peu qu’on est d’accord !

 

                                                 La Tunisie …..Amie !

 

 

21 heures

Arrivés a Sfax ( grand port industriel et seconde ville de Tunisie), avec « Sunna l’avenante », on est  presque devenue amies intimes. Quand à mon époux, il parle « canassons » avec le Papa qui, lui aussi, est passionné de chevaux. Nous somment tombés sur une famille d’armateurs Sfaxiens, ce qui question bateaux, est plus que rassurant ! Sûr qu’il va bien vite dégoter un plan B, le chef de famille pour le mariage ; très  important, un mariage, dans cette partie du monde ! Au téléphone, on informe le Radisson hôtel, notre 5 étoiles djerbien que :

- et d’un : il a perdu deux clients pour une nuit 

- et de deux : sa limousine ( avec ou sans chauffeur galonné) il peut se la garder au garage pour ce soir.

 Evidemment, vous dînez avec nous ? Me fait «  Sunna l’avenante » ? Et nous, dans l’état d’épuisement ou nous somment, trop heureux de lui  répondre :

 

                                Oui ….oui…oui… !!!!

 

On crève de faim. Le quatre quatre se gare devant une belle villa de la banlieue sfaxienne, près du port ; cossue, très cossue la villa : une famille aisée, très…. manifestement. Nous conduit une bonne voilée au visage marqué de henné dans un coquet petit salon ou fume la bouilloire de thé à la menthe ; quand au repas…: à se lécher les doigts !

 

Entrée : brick à l’œuf et houmos à l’huile d’olive…

plat : couscous de poisson au safran….

dessert : dattes caramélisées à la crème d’orange….

 

Le 5 étoiles au Michelin de ce midi peut carrément aller se rhabiller ! Oui Monsieur ! Après le repas, le papa de « Sunna l’avenante » prend mon époux à part pour fumer un cigare entre hommes et, sans doute, s’avaler une petite goutte de cognac pour faire bonne mesure : dans la bourgeoisie tunisienne, on sait «  prendre ses aises » avec les principes coraniques, c’est bien connu ! Décidemment, me souffle mon époux un peu plus tard, l’œil vif :

 

                                     La Tunisie …Amie…

                                         et plus encore…..

 

Et justement, justement, me dit « Sunna l’avenante », on a trois chambres d’amis, alors vous vous installez pour la nuit et pas de discutions ! De toute façon on est bien trop crevés pour refuser une si alléchante proposition. Je ne souviens pas avoir jamais été aussi fatiguée, quant à mon époux, le cognac…. c’était le coup de grâce….

 

11 heures

On s’écoule dans les lits jumeaux d’une chambre plus que confortable avec salle de bain attenante ou l’attentionnée servante a déposé peignoirs, et serviettes.

 

12 heures

Plus personne : on dort comme des souches…

 

9 heures, le lendemain

Arrive le plateau du petit déjeuner ( toujours l’attentionnée servante) : café noir, toasts, croissants, pains au chocolat, jus d’orange : le Radisson hôtel, 5 étoiles, il est loin, loin, très loin. J’ouvre la baie vitrée de la chambre et, de la petite terrasse, contemple le port de Sfax : aucun charme, un port industriel quoi, mais un port tout de même, avec des bateaux, de ceux qui vont sur l’eau. Remonte en flèche mon moral ; on va bien le trouver ce plan B ! Et brille un magnifique soleil dans le ciel. On petit déjeune, on se douche, on se fait beaux pour se présenter à nos hôtes . « Sunna l’avenante » l’œil  déjà noir de khôl, très animée, m’accueille avec un gros bisou :

-Papa , il nous a trouvé un bateau ( facile qu’on se dit : il est armateur !)  On embarque cet après midi pour Kerkennah et on vous emmène avec nous au mariage !

 

Je rétorque qu’un certain Radisson Hôtel ( 5 étoiles), nous attend à Djerba depuis hier !

 

- le Radisson, c’est bon pour les touristes, nous rétorque l’armateur de Papa, l’air profondément méprisant ; vous êtes nos hôtes, alors vous venez au mariage avec nous, et pas de discutions, après on verra…

 

        Plus Amie…. la Tunisie….. mais alors, plus Amie…. du tout…..

 

                                 si seulement on s’avise de refuser !!!

Alors, allez donc savoir pourquoi, la petite moustache en brosse de Papa armateur ( il s’appelle Hamed ), se met a m’évoquer irrésistiblement celle du père Ben Ali, lorsque, il y a trois ans de cela, le fric de son Pays fourré à la hâte dans un sac à dos griffé Vuitton, il sauta vite fait, bien fait dans son jet privé en route pour le Qatar ! 

 

          Alors, avec mon cher et tendre, on se regarde et on dit :

 

                                                    oui…

                                 le moyen de faire autrement !

 

Seulement, des vêtements de cérémonie ( pas une seconde je ne doute que cela va être une grande cérémonie que ce mariage Kerkhénien) je n’en ai pas un seul,  ni mon époux, juste des maillots de bains, des pulls et une ou deux robes pas vraiment habillées. A cette objection, rayonnent littéralement les beaux yeux sombres de « Sunna l’avenante » !

 

- Des maillots de bain, c’est parfait ! Justement notre cousin il a une grande piscine ! C’est d’ailleurs autour qu’aura lieu la réception du mariage ! 

 

Nouveau regard de mon époux : des copains de Ben Ali, sûr et certain, nos nouveaux amis ! Et la bulle azurée au parfum jasminé de m’auréoler de sa divine senteur ! Quelque chose me dit qu’un 5 étoiles luxe à Djerba, c’était pas forcement le meilleur des choix pour nos vacances au soleil, que les voix du seigneurs sont impénétrables, que celle d’Allah le miséricordieux le sont peut être encore plus, etc.… etc.… etc.….

 

Nous connûmes alors ( j’aime bien, moi, cette intonation flaubertienne), nous connûmes alors les plaisirs de l’hospitalité tunisienne. Dans sa petite mini perso. ( des copains de Ben Ali vous dis-je…. ) ni une ni deux ne fait « Sunna l’avenante », rayonnante a l’idée de faire flamber sa carte bleue en ma compagnie dans les boutiques chics de Sfax afin de m’équiper ; résultat : un sobre smoking noir en satin poudré avec escarpins et sac assorti (ça servira toujours…)  Quand à mon aimable moitié, une veste blanche prêtée par notre hôte et le tour est joué !

 

                      Les hommes….. un rien les habille….

14 heures

Et vous voilà partis, non pas pour l’ile de Lotophages du divin Ulysse (soit Djerba, notre initiale destination,) mais  pour Kerkennah, une petite île voisine, sur un voilier tout de blanc floqué, claquant au vent….

 

                   La Tunisie…. plus qu’Amie….. vraiment Copine, la Tunisie ! 

 

On débarque par un ponton privé sur une plage de sable blond ; un peu plus loin la piscine, taille olympique… toute décorée de virginal tulle blanc, et au niveau du plongeoir, un immense fauteuil Voltaire en velours côtelé rouge flamboyant avec dorures genre faux louis XV, super kitch…. à la tunisienne quoi ! Hennissent derrière les barrières d’un haras privé une douzaine de demie sang dont certains sont peut être même des purs ( sang évidemment ) : ils s’embêtent pas les cousins de «  Sunna l’avenante » ! A peine le temps d’arriver que déjà caracole mon époux sur un destrier tout harnaché que le cousin se fait un plaisir de lui procurer ! Et dire que nos rêves mesquins s’arrêtaient a un cinq étoile luxe Djerbien, il y a de cela…. peine quelques heures !

 

                                        Et vive la Tunisie Amie !

 

Et moi de faire connaissance avec les femmes de la famille, nombreuses et très affairées : la réception est pour demain. On me mène au hammam ou je me plie à  une coutume locale rien moins qu’agréable : l’épilation intégrale au caramel, ni plus ni moins ! Pour être belle, pure, et virginale, et, la mariée, et, les toutes les femmes de sa suite, en Tunisie, comme dans tous les pays arabes, doivent absolument  en passer par là ! Et croyez moi sur parole, ça fait sacrément mal de se faire épiler intégralement au caramel ! Je m’exécute : pas vraiment le choix ! Et papote avec les femmes en grignotant de divines cornes de gazelles et autres pâtisseries sucrées :

 

                                         Ha…. Les joies du harem !

 

Curieuse, je demande a quoi sert le fauteuil Voltaire rouge à côté du plongeoir ; toutes de s’éclaffer de ma crasse ignorance.

 

- C’est mon trône ! Me fait la future mariée, tout mignonne, toute fine, toute jeune ! Au moins un jour dans leur vie, elles trônent, les femmes, en Tunisie ! Rassurant ! Effectivement, le lendemain, jour du mariage, la toute jeune, toute fine, toute mignonne mariée en question, immobile sur son trône, croule littéralement sous les lourds broquards grenats d’une rigide robe miroitante de milles incrustations de pierreries multicolores, avec sur la tête une tiare lourde d’ornements mordorés. J’en suis de surprise pétrifiée ! Moins qu’elle cependant : robe, voiles et tiare doivent être si lourds qu’il lui est manifestement impossible de bouger ne serait- ce que ses longs cils alourdis de mascara bleu nuit et de khôl !

            

                                     Une véritable idole barbare !

 

 Et sous les You You des femmes se déroule la réception du mariage :

- Buffet digne des meilleurs traiteurs parisien…

- Sec, bien évidemment, mais là, sûr et certain que certaines des nombreuses bouteilles de coca alignées sur les tables ne contiennent pas…. que du coca….vu les yeux allumés de certains de ces messieurs ( dont ceux du marié, un homme d’une bonne quarantaine d’années à la conquérante moustache qui, elle aussi, n’est pas sans me rappeler celle du père Ben Ali enfourchant son jet privé avec le fric de son pays dans son sac à dos griffé Vuitton etc.. ect… ect…. )

 

Je fait part de mes réflexions à mon époux qui rigole :

 

- Tu vois des Ben Ali partout, me fait-il ! Pas de doute… lui aussi a forcé sur le coca !

 

La fête continue tout l’après midi et la jeune mariée n’a toujours pas bougé de son trône ! Il fait plus de 26 degrés ! Elle doit crever de chaud sous ses lourdes parures  : l’abreuvent et l’alimentent à tour de rôle les femmes, comme un bébé : le prix a payer pour trôner pendant ce que d’aucuns nomment le plus beau jour de la vie d’une femme ! Parlez qu’elle doit se marrer, la pauvrette ! Mais tout le monde semble trouver cela parfaitement normal…. alors !

2 heures du mat

Fatiguée, je m’apprête a prendre congé d’une fête qui bat son plein, quand  « Sunna l’avenante », superbe en robe lamée bleu de ciel, haut perchée sur des escarpins vernis de 15 centimètres me dit :

 

-         Pas si vite… pas si vite : à trois heures, un jet vient chercher les mariés pour les emmener en voyage de noce !

 

Hé bien, il  ne perdent pas de temps les tunisiens !

 

-         Mais ils partent ou ? je fais

-         Au Qatar, pour un mois, chez un bon ami de la famille qui s’y est installé il ya  trois ans de cela …..

 

             La Tunisie Amie ?

                                         La Tunisie Ben Ali…que oui !!!! 

En attendant le jet et le départ des mariés, je cherche vainement  mon époux et « Sunna l’avenante » me dit :

 

-         Inutile de chercher: tout a l’heure a débarqué un bon ami de la famille  (encore un…..) avec sa dernière acquisition, un pur sang arabe de toute beauté. Ils sont tous partis pour une chevauchée nocturne le long de  la plage !

Au moins, dans les mariages, les hommes ils savent s’amuser ! Le sachant perdu pour le compte pendant un bon moment ( là ou il y a pur sang, je n’ai plus ma place….) je me mêle a la foule ou se déchainent les danseuses du ventre et  « Sunna la charmante » passe un foulard autour de mon smoking tailleur noir en satin poudré : il va falloir que je fasse mes preuves à l’orientale sur la piste  ! Moi, j’aime bien….. Soudain, en un nuage de poussière et de sable surgissent des cavaliers et leurs montures harnachées de dorures et de glands rouges, genre Lawrence d’Arabie. Descend mon époux de son étalon,  mais je n’ai d’yeux que pour son compagnon vêtu d’un blanc caftan et d’un turban à l’orientale. Je me pince ; et  baise galamment ma main un hommes âgé aux yeux noirs et profonds ! Vous avez deviné qui ? Evidemment…. ! Omar Sharif en personne ! Le fameux bon ami de la famille qui, tout exprès, a fait le voyage d’Egypte pour le mariage…

 

                                    La Tunisie Amie…. ! Vous dis- je ….    

 

 

 

                                             Epilogue

 

- Réveille toi,…mais tu vas te réveiller non d’un chien … on arrive ! C’est mon époux qui me secoue comme un prunier :

- On se pose a Djerba ! Regarde moi ce soleil ! Abrutie, et pas qu’un peu, je m’ébroue.

-Tu a dormi pendant tout le voyage ; et tu gesticulais, tu gesticulais … tu rêvais à quoi ?

- Tu devineras jamais, je réponds…..

 

A l’aéroport nous attend la fameuse limousine avec chauffeur ( non galonné …mais bon…) et commence notre séjour le plus banalement du monde. Je passe dans la salle de bain et, par la porte ouverte de nos grandes chambres communicantes  me fait remarquer mon cher et tendre  :

 

- Tiens, tu t’est fait épiler totalement : c’est nouveau ça ! D’habitude, tu fais que le maillot !

 

Et, avec stupeur, de constater qu’il a raison ! Là, j’ai zappé quelque chose ! le lendemain on n’a pas comprit non plus pourquoi attendait mon époux au haras de l’hôtel un magnifique alezan baie a lui personnellement destiné, ceci  pendant toute la durée de notre séjour !

 

En fait, il y a plein de chose qu’on a pas compris, en Tunisie ; alors on s’est dit ….devinez quoi ?

                                        La Tunisie :AMIE